Bathwoman et les Fruits du Dragon

Comme tout le monde sait de nos jours, sauf ceux qui persistent dans le déni, le climat de la Terre a plutôt tendance à se réchauffer. De surcroît, la pluviométrie dans le Sud-Est de la France est plutôt faible en général, et rien n’incline à penser qu’elle va augmenter dans les années qui viennent. En termes de production alimentaire, il est donc intéressant d’y envisager, pour le futur, la culture de plantes qui résistent à la chaleur et à la sécheresse.

C’est une des raisons de l’essai, commencé en 2017, de culture de pitayas, encore appelés plus poétiquement fruits du dragon, ou dragon’s fruits pour les anglophones1. Avec un nom pareil, comment résister… Dans l’île de la Réunion, pays producteur2, c’est la « raquette tortue ». Pour les botanistes, le notre semblerait être un Hylocereus polyrhizus, à peau rose et pulpe rouge/violette. Mais ce n’est qu’une hypothèse, le polyrhizus aurait une fleur nettement plus petite.

Le pitaya produit un fruit rose/rouge clair 3, très beau sinon a priori d’un très grand intérêt gastronomique. Bien que produits loin de chez nous4, on en trouve aujourd’hui dans certains magasins d’alimentation. Ceux que nous y avons achetés se sont révélés fades, un peu secs. Des tests précédents en Chine, pays de production (entre autres), ont donné le même résultat. Mais à chacun ses goûts. Au pire, si on n’a rien d’autre, n’oublions pas qu’il faut manger pour vivre… Et par ailleurs, rien ni personne n’oblige à les manger tels quels, non accommodés. Les recettes utilisant des pitayas ne manquent pas sur internet, à chacun de trouver celles qui lui conviennent. Ou mieux, de les créer.

Pitaya

Le pitaya mis en place, en pot, début mai 2018, a fleuri le 24 août 2019. Trois magnifiques fleurs, énormes, de plus de 20 cm de diamètre, qui se sont ouvertes la nuit, comme il se doit.

On avait repéré dans la journée les boutons prêts à éclore. On a donc veillé pour admirer le spectacle, mais aussi pour agir…

Pour donner des fruits, les fleurs de pitaya doivent être fécondées. Fleurissant la nuit, les pitayas sont logiquement pollinisés, dans leur(s) pays d’origine, par des chauve-souris. Depuis quelques années, on ne voit plus beaucoup de chauves-souris chez nous, et il serait bien aléatoire de s’en remettre à elles pour ce grand soir. Mais heureusement, batwoman était là ! Bernadette n’a fait ni une ni deux, elle a saisi son meilleur pinceau, celui qui sert aux mandalas, et fait ce qu’il fallait. Après avoir bien chatouillé les étamines au moyen du dit pinceau, elle en a abondamment tartiné les pistils5.

Début septembre, les futurs fruits ont commencé à prendre forme. Verts d’abord, puis rose/rouge clair. Mi-octobre, ils sont tous les trois bien gonflés, superbes.

Le 24 octobre, conséquence possible d’une semaine très pluvieuse, les 3 fruits sont fendus ; on les récolte. Ils sont encore souples sous la pression du doigt. Poids total 1285 g, soit environ 430 g pièce.

La dégustation est une bonne surprise : sans crier au miracle, le goût est discret, légèrement sucré ; la texture est agréable. La pulpe est très facile à détacher de la peau, les pépins nombreux mais minuscules ne se sentent pas sous la dent. Bref, test organoleptique réussi !

Autres qualités6 : le pitaya est réputé avoir des vertus digestives, et agir contre la constipation, grâce à l’effet laxatif de ses graines. Il ne contient qu’une cinquantaine de calories par cent grammes. Et il est riche en vitamines, minéraux, fibres, contient antioxydants, bétacyanine, et des composés phénoliques. Il favoriserait aussi la prévention de la goutte en aidant à réduire le taux d’acide urique dans le sang.

Sur les sites internet, y compris celui du Cirad, le pitaya est réputé auto-stérile. Curieusement, le notre ne l’est pas, ce qui ne facilite pas son identification.

Le pitaya ne semble pas être une plante très exigeante en termes de culture. Il aurait7 l’énorme avantage de nécessiter 5 à 10 fois moins d’eau que toute autre culture fruitière, mais en contrepartie craint un excès d’arrosage. Il a besoin d’un climat chaud et sec, de lumière. Aimerait peut-être parfois recevoir un peu d’engrais, pour le moment le notre s’en est passé. Très facile à bouturer. Son vrai point faible reste une résistance au froid très limitée (1°C), qui réduit drastiquement la zone de culture (actuellement) possible en France, hors serres chauffées que je ne peux personnellement envisager pour des raisons éthiques. Pourtant, notre pitaya a passé ses deux premiers hivers chez nous à l’extérieur. Il faut dire que les hivers 2018-2019 et 2019-2020 n’ont pas été très rigoureux à Vallauris. Alors, le fruit du dragon est-il la nourriture de l’avenir ? L’avenir nous le dira… A condition, bien sûr, d’en cultiver. Nous on va continuer. On a déjà fait un certain nombre de boutures, dont la plupart ont pris. A suivre…

1 Ou encore strawberry pear.

2 Noter que l’île de la Réunion est un département français. Ce qui classe la France parmi les pays producteurs de pitayas.

3 Il existe aussi une variété de pitaya jaune, mais ce n’est pas le sujet du jour.

4 Parmi les principaux pays producteurs, le Mexique et la Colombie.

5 Notez que l’étamine, nom féminin, est l’organe mâle. Le pistil, nom masculin, est l’organe femelle.

6 Selon Wikipedia

7 Même source