Oranges à couteau, oranges à jus et nombrilisme
Quand j’ai repris l’exploitation du verger d’agrumes des Bas-Brusquets, une des (plus importantes) questions auxquelles j’ai eu rapidement à faire face pour la vente des oranges a été : « Est-ce que ce sont des oranges à couteau ou des oranges à jus ? ». J’ai deviné ce que pouvait être une orange à jus, mais une orange à couteau ? ? ? A contrario, il ne pouvait donc s’agir que d’une orange « pas à jus ». Après moult études, questionnements à des personnes aussi diverses que compétentes (à l’époque, j’utilisais peu les – maintenant – immenses ressources d’internet), recoupements, il est apparu que les oranges pouvaient bel et bien être divisées en deux principales catégories : les oranges à couteau et les oranges à jus.
Les oranges à couteau, appelées aussi parfois oranges de table, ou oranges « à manger », voire « oranges de bouche » ou encore, pourquoi pas, « oranges à dessert », sont celles que l’on mange : il s’agit des oranges navels.
Et les oranges à jus sont celles… que l’on boit, dont on ne consomme que le jus, donc les autres…
Voir aussi le texte « Les variétés d’agrumes », qui donne un avant-goût, si j’ose dire, sur le sujet.
En pratique, comment peut-on distinguer une orange à couteau d’une orange à jus ?
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De l’extérieur, le cas est difficile : les oranges Navels se caractérisent souvent par une petite excroissance secondaire intégrée à la manière d’un nombril (navel signifie ombilic en anglais1) sur la partie supérieure du fruit. Mais ce n’est pas une règle absolue :
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D’une part, dans un arbre d’une variété de navels, certains fruits peuvent avoir un « nombril » et d’autres pas.
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Dautre part, en général, les non-navels n’en ont pas ; mais ce n’est pas non plus une règle absolue, ce serait trop facile ! Certaines oranges à jus présentent une excroissance qui font penser à une navel : voir les photos ci-après :
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De l’intérieur : là, c’est d’habitude un peu plus net ; si, au niveau du nombril, on trouve une sorte de petite orange interne, c’est qu’il s’agit d’une navel. Mais si cette petite orange ne s’y trouve pas, ce n’est pas une preuve absolue que ce ne soit pas une navel. C’est bien compliqué, tout ça. Les non-navels n’ont jamais de petite orange interne.
Un nombril de Washington navel mesurant 4 cm de diamètre est relativement courant ; sur une Salustiana, j’en ai mesuré un de 1,8 cm, ce qui est beaucoup pour cette variété d’orange, donc plus rare. Sur une Valencia Late de 352 g, le nombril, de forme ovaloïde, mesurait environ 16 mm X 10 mm.
Quelles sont les différences qui ont abouti à la séparation entre ces deux catégories ?
Les oranges à couteau sont censées être :
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plus douces (moins acides) ; la réalité est plus nuancée
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sans pépins
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plus faciles à éplucher
Les oranges à jus peuvent :
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contenir quelques pépins
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s’avérer plus résistantes à l’oxydation2, une fois transformées en jus (un jus de navel, en théorie, peut prendre assez vite un goût amer, désagréable, du fait de l’oxydation). A vérifier.
Par ailleurs, on pourrait logiquement (à mon sens) supposer que les oranges à jus soient censées avoir un meilleur rendement en jus ; les quelques mesures effectuées ne l’ont pas confirmé (les rendements en jus constatés sont similaires), mais des études complémentaires sont encore nécessaires sur ce point.
mise à jour au 17 février 2011
Toute information confirmant ou infirmant le texte ci-avant est bienvenue. Merci d’envoyer tout commentaire à l’adresse arcadia@cuerq.net.
1 Le nombril (ou ombilic, du latin umbilicus) a de nombreuses appellations. En anglais, outre navel, on utilise aussi bellybutton, terme qui me plaît personnellement davantage, parce que plus imagé. Ma mère, limougeaude, l’appelait le « nambouni » ; pour mon père, natif de Bourgogne, c’était le « breuilleu ». En Provence, où j’habite maintenant, c’est l’embouligo (même éthymologie qu’ombilic ?).
A noter encore :
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que pour les grecs anciens, le nombril (damned, je ne sais pas faire les accents ! – , lire « omphalos ») du monde (i.e. : le centre du monde) se trouvait à Delphes. Le même terme était déjà utilisé pour désigner, aussi, un renforcement au sommet ou à la base d’un fruit (voir texte, probablement faussement attribué à Aristote, Problèmes 12,7).
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que la culture, c’est comme la confiture, moins on en a, plus on l’étale (Pierre Desproges, merci M. F.C.).
2 En particulier, les vitamines contenues dans le jus d’orange sont très sensibles à la lumière, à l’oxydation et à la chaleur.