Couleuvres

Dans le verger, on a de temps en temps l’occasion d’apercevoir des serpents. Autant que je sache, parce que je suis pas capable de les identifier avec certitude, il s’agit toujours de couleuvres. Je ne pense pas avoir jamais vu de vipères ici, au verger à Vallauris.

En jardinant, on découvre de temps en temps des orvets, mais eux sont faciles à identifier, et ce ne sont pas des serpents,

Les visions de couleuvres sont en général fugitives. Elles habitent dans des trous des murs des restanques, ou sous les racines des oliviers, et s’y réfugient précipitamment dès qu’elles nous aperçoivent. Leur présence est aussi attestée par la découverte de mues1, de taille parfois considérable (parfois pas loin de 2m), ce qui exclut la possibilité qu’il puisse s’agir de vipères.

Néanmoins, il m’est arrivé à plusieurs reprises de pouvoir en observer.

Le matin du 15 août 2010, j’ai aperçu un gros serpent vert sous l’olivier de la planche des kumquats. Quand il m’a entendu, il a eu peur et il est monté dans l’olivier, où il a disparu dans le lierre. Il était d’une taille trop importante pour qu’il puisse s’agir d’une vipère. On a de tout temps vu des couleuvres au verger, ce serpent-là en avait la taille, mais je n’avais jamais auparavant vu de couleuvre verte.

J’ajoute que dans l’après-midi qui a suivi cette rencontre, j’ai regardé au-dessus de ma tête dans les arbres sous lesquels je passais…

Le 23 mai 2017, en entrant dans la serre, j’ai remarqué quelque chose qui se mouvait rapidement sur le sol, en suivant le bas de la paroi vitrée. J’ai tout de suite identifié une couleuvre.

Elle était plutôt grosse, une belle bête, complètement paniquée. Elle m’avait sans aucun doute repéré avant que je ne la remarque, me trouvait de toute évidence un air antipathique (je ne comprends pas…), et fonçait ventre à terre de toute la vitesse de son absence de pattes, pour s’éloigner de ce monstre (moi en l’occurrence, bien sûr) autant que faire se pouvait. Bien sûr, j’avais dégainé l’appareil photo qui ne me quitte jamais, ou presque, et je la poursuivais, sur mes deux grandes pattes, tout en la mitraillant. Les deux portes de la serre, aux deux extrémités, étaient grandes ouvertes, mais elle a fait plusieurs fois le tour complet, toujours suivie comme son ombre par votre serviteur, appareil photo au poing. En fait, au droit des portes se trouve un seuil en parpaing haut d’une quinzaine de centimètres, et dans son affolement, elle n’avait pas l’idée de lever la tête, ce qui lui aurait permis d’apercevoir la porte ouverte au-dessus. J’ai fini par réussir à lui expliquer par gestes qu’il fallait s’élever un peu, voir les choses de plus haut, et quand elle a enfin compris, elle n’a pas demandé son reste.

Le mardi 4 décembre 2018 soit un an, six mois et 11 jours (environ) après la rencontre dans la serre, je marchais dans le verger (oui, ça m’arrive parfois). J’ai dû passer dans un endroit resserré entre un muret et un arbre. Là j’ai entendu comme un bruit de pneu qui se dégonfle. Un peu comme le tchi-tchi de Tino Rossi dans O Catarinetta bella, mais en continu… Curieux, j’étais à pied, je ne pouvais décemment pas avoir crevé. Je me suis retourné, sur le muret devant lequel je me trouvais une seconde plus tôt, se trouvait une belle couleuvre que j’avais sans doute dérangée, et qui me fixait d’un air que j’ai estimé franchement mécontent, mais comment savoir ? Je suppose qu’elle avait « sifflé » pour me signifier que j’empiétais sur son espace vital. Ma tête avait dû passer à une trentaine de centimètres de celle de l’animal, d’une belle taille (dure à avaler !).

J’en étais encore à moins d’un mètre, et au lieu de s’enfuir épouvantée à ma vue, comme celles que j’avais croisées jusqu’ici, et en particulier celle de la serre, elle a continué de me fixer sans bouger, pendant que je lui tirais le portrait. Peut-être a-t-elle l’habitude, peut-être aime-t-elle qu’on la photographie, après tout on est tout près de Cannes, ici. J’ai fait le tour de l’arbre pour la photographier sous un autre angle, elle n’a pas bougé davantage, la tête toujours orientée vers l’endroit que je venais de quitter. On dit que les couleuvres ont une mauvaise vue. Cela pourrait valider l’explication qu’elle ne m’ait pas vu partir. On dit que le sens de la vue, donc plutôt déficient, est remplacé par une haute perception des vibrations, notamment par la langue, et une ouïe très fine.

Quand elle oriente sa tête vers quelqu’un, il paraîtrait qu’elle ne le regarde pas vraiment, bien qu’elle en donne bigrement l’impression. En fait, elle orienterait vers lui les sens qui lui permettent le mieux de le percevoir. Toujours est-il que c’est moi qui me suis lassé le premier, et suis reparti vaquer à mes occupations, la laissant toujours aussi immobile au même endroit.

Une question me trotte dans la tête : se pourrait-il que la couleuvre de 2018 soit la même que celle de 2017 ? Il faut déjà supposer (ce qui n’est pas sûr pour le moment) qu’il s’agit bien de la même espèce de couleuvre dans les deux cas. Un spécialiste pourra peut-être un jour en identifier l’espèce d’après les photos. Par ailleurs, au niveau du comportement, on peut noter des différences : la première, enfermée dans la serre, se montre craintive, rapide, silencieuse. La seconde sûre d’elle, exprimant bruyamment son désaccord quand à mon intrusion sur son territoire, plutôt hardie, campée fermement sur ses positions (alors qu’elle est en liberté) et même posant pour les photos. Si c’est la même, on peut logiquement penser qu’en prenant de l’âge elle a pris de l’assurance. Ou attrapé des rhumatismes qui l’empêchent de fuir. Avec toute la pluie qu’on a eu ces derniers mois, ça n’aurait rien d’étonnant qu’elle ait rouillé. De plus, depuis notre précédente rencontre, elle me savait inoffensif. Enfin, et peut-être surtout, en décembre il fait plus froid qu’en mai, et les reptiles ont donc plus de difficultés pour se mouvoir. Tout ça se tient. Enfin je trouve. Bref, quoi qu’il en soit, réponse en attente, au moins de l’identification.

Mais en 2010, pourrait-il s’agir encore de la même couleuvre, plus jeune ? En 2010, elle était encore verte, mais ensuite elle a mûri… Soyons sérieux, on n’est pas là pour rigoler… Quoique… Cette (ridicule) question en amène une autre : quelle est la durée de vie d’une couleuvre ? D’après un site internet, elle serait de 10 à 15 ans, pouvant dépasser 20 ans pour certaines espèces.

Que font des couleuvres dans un verger ?

C’est bien simple : elles peuvent y trouver de quoi se nourrir. Les serpents sont tous carnivores. Au verger vivent de petits rongeurs (souris, musaraignes), des grenouilles, crapauds, lézards, oiseaux, escargots, limaces, insectes… Mais pour aller plus loin dans ce domaine, il faudrait savoir de quel type de couleuvre il s’agit (elles n’ont pas toutes le même régime alimentaire).

Elles ont aussi des prédateurs : chez nous, essentiellement hérissons, renards, rapaces. Ailleurs, parfois, les volailles des basses-cours, les bâtons des promeneurs, les pneus des voitures.

Nous humains ne pouvons nous empêcher de juger en terme de « bien » et de « mal ». Les couleuvres sont-elles plutôt utiles ou plutôt nuisibles ?

Vous avez dit « utile » ? Est-il utile d’avoir une (ou des) couleuvre(s) dans un verger ? On va bien sûr se placer du seul point de vue de l’exploitant du verger. On n’essayera pas de savoir ce que peuvent en penser les rongeurs ou amphibiens ou autres, d’ailleurs aucun ne s’est présenté pour donner son avis. Soyons sérieux, on n’est pas là pour rigoler… Quoique…

Et avant de pouvoir tenter de répondre à cette question, il convient de définir ce qu’elle signifie. Qu’est-ce qu’être « utile » ? C’est bien simple. Les humains créent des vergers pour produire des fruits. Ce qui augmente la production est dit « utile ». Ce qui la diminue est dit « nuisible ». On peut donc classer les habitants du verger en deux catégories : les « bons » (ou les « gentils »), utiles, et les « mauvais », nuisibles.

Difficile de conclure définitivement. Disons qu’en l’état actuel des informations disponibles, les couleuvres semblent plutôt du côté des « gentils ». Ce que confirment les sites internet, et, d’une certaine façon, la loi, puisque les couleuvres sont des animaux protégés.

En France, toutes les couleuvres sont protégées par la loi.

D’après divers sites internet :

Elles sont toutes ovipares.

Elles peuvent muer plusieurs fois par an.

Elles habitent dans un vieux terrier, une anfractuosité.

Elles sont dépourvues de crochets à venin et de venin, à l’exception de la couleuvre de Montpellier.

Elles ont un régime alimentaire opportuniste et éclectique : lézards, orvets, jeunes serpents y compris des vipères, campagnols, musaraignes, grenouilles, insectes, jeunes oiseaux au nid et œufs.

Elles hibernent en hiver, pendant les mois les plus froids.

Leurs mâchoires sont dilatables grâce à une particularité anatomique. La mâchoire inférieure est dépourvue de symphyse et les os de la mâchoire supérieure n’ont pas de séparation avec le reste du crâne, de ce fait elles peuvent se déboîter au point d’avaler un œuf de poule sans le casser.

Différentes espèces de couleuvres vivent en France

De quelle(s) espèce(s) de couleuvres s’agit-il dans le cas présent ?

Il ne peut s’agir d’Opheodrys vernalis, une couleuvre effectivement verte, espèce de serpents de la famille des Colubridae. On la rencontre sur le continent américain, elle est de petite taille , entre 30 et 50 cm. Celle de 2010 était d’une taille nettement supérieure.

Il pourrait s’agir de Hierophis viridiflavus, commune en France, qui mesure entre 100 et 160 cm, voire exceptionnellement jusqu’à 173 cm. Pourtant sa couleur ne semble pas vraiment correspondre. Son dos possède un fond jaune verdâtre marqué de barres transversales noires ou vert foncé, assez larges, donnant un aspect d’ensemble plutôt noir.

Cette espèce est active le jour, très rapide et très agile.

Elle fréquente les terrains rocheux, secs et bien ensoleillés, exceptionnellement les milieux un peu plus humides comme les prairies et les bords de rivières. On peut la rencontrer près des habitations.

Elle grimpe facilement aux branches ou dans les buissons, pour chasser ou lorsqu’elle se sent menacée. Dans ce dernier cas, elle n’hésite pas à adopter un comportement agressif et cherche à mordre. Si on cherche à l’attraper, elle se gonfle, siffle et mord à plusieurs reprises. Bien que sa morsure ne soit pas venimeuse, elle est douloureuse.

Elle se nourrit principalement de lézards et d’une proportion variable de micromammifères. Elle chasse aussi les oisillons, d’autres serpents (voire des membres de sa propre espèce) et des grenouilles. C’est un animal très rapide, chassant à vue.

La couleuvre verte et jaune (coluber viridiflavus)

La couleuvre à collier (natrix natrix)

La couleuvre d’Esculape (Elaphe longissima)

C’est la plus élancée de nos couleuvres. Le dos est couleur bronze. Elle peut mesurer jusqu’à 2 m.

Elle fréquente volontiers les ruines. Elle est absente du nord de la Loire et de la Corse.

C’est elle qui figure sur le caducée du médecin.

La couleuvre à échelons (Elaphe scalaris)

Silhouette élancée, couleur brune, à marron orangé avec des barres longitudinales fines et foncées. Elle chasse volontiers dans les arbres. Présente uniquement dans le Sud-Est, sauf en Corse.

La couleuvre vipérine (Natrix maura)

Elle ressemble à une vipère.

Elle est de petite taille. Moyenne : 70 cm, maximum : 1 m.

Elle a un corps massif terminé par une queue effilée.

Elle a une livrée semblable à celle d’une vipère avec des écailles carénées sur un dos de couleur allant du vert au marron et surlignée de taches noires formant une ligne en zigzag.

En plus de ces aspects vipérins, sa tête, dans certaines circonstances peut apparaître comme étant, à l’instar des vipères, triangulaire.

Elle répond aux agressions en se dressant et en émettant un liquide nauséabond. Elle est présente en France au sud de la Loire.

La couleuvre de Montpellier (Malpolon monspessulanus)

C’est le plus gros serpent vivant en France Métropolitaine.

Elle peut mesurer jusqu’à 2,30 m.

Elle possède des crochets à venin qui pourraient être dangereux mais ceux-ci sont situés à l’arrière de la gorge, ce qui les rend inoffensifs.

En cas d’agression, elle est très impressionnante, elle se dresse et fait face comme le ferait un cobra.

Sa robe, adaptée au camouflage dans les pierres et les herbes sèches varie du marron au jaune paille.

Elle est présente dans toute la région méditerranéenne à l’exception de la Corse.

17/06/2019

Une couleuvre, qui habitait dans le mur entre la planche du haut et celle du dessous a été tuée accidentellement par la chute d’une pierre lors des travaux de réfection du dit mur.

28/10/2019

Une couleuvre écrasée sur le chemin à hauteur du 2nd olivier en partant du haut Plutôt jeune, 98 cm, 190g.

02/06/2020 en début d’après-midi, marchant au bord de la planche des limettiers, recouverte d’herbe coupée sèche, j’ai fait fuir une couleuvre qui devait bronzer au soleil. Une couleuvre d’une taille jamais rencontrée jusqu’ici. Dans les 45mm de diamètre (estimé, je n’ai bien sûr pas pu la mesurer), je dirais plus de 2m de long. Gris-jaune. La vision a été fugitive, elle s’est précipitée dans un trou du mur de restanque voisin, construit en pierres sèches. Je n’ai pas eu le temps de faire une photo. J’ai installé la caméra en face du trou, dans l’espoir d’avoir un jour son portrait. La chatte était arrivée entre temps. Elle est allée renifler bizarrement devant le trou où avait disparu la couleuvre. Intrigué, je suis allé voir de plus près. Dans l’herbe, j’ai cru voir une mue de couleuvre. Je l’ai ramassée, il ne s’agissait pas d’une mue mais bien d’une couleuvre morte, morte depuis quelque temps parce qu’il n’en restait que les os et la peau.

Les voisins nous avaient donné une mue, quelques jours plus tôt.

Mise à jour au 09/10/2020

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