Frelons et Abeilles

1/ Le problème des frelons

1/1 Avant 2010 : les frelons européens

Tous les ans, les frelons (vespa crabro) réapparaissaient au printemps ; avant la mise en place des premières ruches au verger, en 2005, la cohabitation ne posait aucun problème, même s’il apparaissait préférable, pour des raisons de sécurité, de supprimer les nids qui s’installaient de temps en temps dans les trous des oliviers ou les murs des terrasses.

Il y avait suffisamment d’abeilles dans le verger et dans le potager, venant de nos ruches ou de celles des voisins.

Puis, il est devenu plus nécessaire de limiter la population des frelons pour protéger les abeilles ; on a vu en effet toute la journée des frelons tourner autour de nos ruches et attraper en vol, ou parfois même sur les planches d’envol des ruches, les abeilles qui leur servent de nourriture, à eux et à leur progéniture.

Faire le choix d’essayer de réduire la population des frelons n’est pas évident et immédiat ; il y a sans doute des arguments pour :

  • la sécurité (mais il faut bien dire que ces frelons ne sont pas agressifs envers les humains)

  • la protection des abeilles (j’ai lu qu’un seul frelon pouvait “ prélever ” 200 à 300 abeilles en une seule journée).

Mais aussi des arguments contre :

  • l’élimination de tout être vivant est discutable a priori, d’une part par principe, d’autre part par le fait que chaque espèce vivante a sa place dans la nature.

  • selon Wikipedia, le frelon a statut d’espèce protégée en Allemagne, et il est considéré comme une espèce utile par les entomologistes de la plupart des pays. De plus, comme le frelon, actif la nuit, fait une bien plus grande consommation de fausses teignes de la cire que d’abeilles, il s’avère plutôt utile pour les ruches. Affirmation à nuancer cependant, dans la mesure où la fausse teigne s’attaque surtout aux éléments de ruches vides, démontés après la récolte et stockés pour l’hiver en l’attente de la saison suivante, donc à une époque où il n’y a pas de frelons.

1/2 A partir de 2010 : les frelons asiatiques

Le frelon asiatique (vespa velutina) a été observé pour la première fois en France en 2004 dans le Lot-et-Garonne, provenant probablement de conteneurs de poteries chinoises importées à Bordeaux (source : Wikipedia). Il a rapidement colonisé un très vaste territoire. Il a été identifié dans les Alpes-Maritimes le 13/09/2010, dans le secteur de Carros.

Comme le frelon européen, il n’a aucune agressivité envers l’homme (à condition de ne pas s’approcher à moins de 5 m des nids !).

Il s’est rapidement développé et en quelques années, conserver des ruches sur le littoral de l’été jusqu’à l’automne est devenu très difficile. Les frelons asiatiques s’installent en vol stationnaire en face des ruches et attrapent les abeilles qui en sortent ou tentent d’y rentrer. Il est arrivé que plusieurs dizaines de frelons soient en attente devant une seule ruche. Les essaims étant installés en hauteur dans les arbres, ils sont très difficiles à repérer et donc à détruire.

Différentes méthodes de lutte ont été utilisées. Les deux premières années, les bouteilles avec goulot retourné et attractif à base de vin ou de bière (voir ci-dessous) ont été efficaces. Beaucoup de frelons s’y sont fait prendre, sans pour autant diminuer vraiment la pression des frelons sur les ruches. Et au bout de deux ans, quel que soit l’attractif, aucun frelon n’entrait plus dans les bouteilles. Les pièges du commerce Veto-Pharma n’ont jamais fait preuve d’une grande efficacité.

Les portes anti-frelons ne sont pas la solution, pas plus que les muselières, testées en 2014, qui gênent les abeilles sans pour autant les protéger vraiment. J’ai vu une fois un frelon pénétrer à l’intérieur de la muselière (formée de grillage 10 X 10), y attraper une abeille et parvenir à ressortir en l’emportant.

J’ai testé une autre protection, constituée d’une plaque de bois posée parallèlement à la façade de la ruche, au-dessus du plan d’envol, à 5 ou 10 mm devant la paroi de la ruche. Dispositif complété par un grillage horizontal au-dessus de la planche d’envol. Ce système ne gêne pas les abeilles et semble intéressant. Les abeilles qui défendent l’entrée de la ruche se cachent derrière la planche. C’est mieux que rien mais pas la solution absolue à tous les problèmes.

Le poison sur des morceaux de viande que les frelons emmènent à leur nid contaminant ainsi les autres ne peut être une solution non plus. On dissémine déjà en toute inconscience bien suffisamment de poisons dans la nature.

A partir de 2012, les frelons asiatiques ont commencé à prendre le dessus sur les frelons européens. Ils arrivent en juillet ou août, parfois un peu avant, et disparaissent vers octobre/novembre.

A partir de 2013, pendant la période de présence du frelon asiatique, je vais passer de plus en plus de temps à faire du « tennis-frelon » devant les ruches. C’est le seul moyen relativement efficace pour faire baisser la pression sur les abeilles mais ce n’est pas vraiment non plus la panacée. J’ai testé les raquettes électriques, elles se sont révélées beaucoup trop fragiles pour cet usage. Depuis, je fabrique mes raquettes avec du contreplaqué de 10. Au début, j’y passais 3 fois par jour, 1/4 d’heure à chaque fois. Les frelons tentaient de fuir les coups de raquettes, les abeilles essayaient de me piquer, elles n’aiment pas qu’on s’agite devant les ruches. Au bout de quelques années même 1 heure 3 fois par jour, parfois 4, ne se sont pas avérées suffisantes. J’en tuais plus de 100 voire nettement plus par jour. Les abeilles étaient si stressées qu’elles ne sortaient plus butiner. Evigemment la production de miel était nulle ou presque.

En 2013, j’ai constaté plusieurs fois la présence d’une grosse mouche rayée ressemblant à un frelon, plutôt familière, n’hésitant pas à venir se poser sur mon gant. Après étude, il apparaît qu’il s’agit d’une volucelle (zonaria ou bombylans ?). Un insecte qui vivrait chez les frelons, se nourrit de leurs déchets, voire les parasite. D’où l’intérêt de sa ressemblance physique, les frelons n’appréciant pas particulièrement les visites. Si c’est un parasite des frelons, il serait donc pertinent d’en prendre grand soin. Que fait-elle au rucher ? Peut-être s’imprégner du « personnage » de frelon, pour mieux l’imiter ? Ou suivre les frelons pour repérer leurs nids ?

En 2014, on a mis une ruche à la montagne, à Gréolières. Les frelons n’y sont pas encore en nombre suffisant pour être gênants. Et le miel de montagne a un goût fabuleux.

Puis, en août, une ruche à Caussols. Là il n’y a pas encore de frelons.

Fin novembre 2014, la ruche de Gréolières est vide. Je n’en remettrai pas.

En 2015, on est partis 2 semaines début août. Au retour à Vallauris, une ruche n’était plus habitée que par des frelons. Les autres étaient si faibles qu’il a fallu les nourrir.

En 2016, une bonne nouvelle : j’ai commencé à constater que, sur 2 ruches, des paquets d’abeilles se précipitaient parfois sur un frelon jugé trop proche, faisaient autour de lui une boule qui roulait par terre. Quand les abeilles repartaient, le frelon était sinon mort au moins très malade. On voit mal comment les abeilles pourraient de cette façon se débarrasser des frelons, beaucoup trop nombreux, mais c’est encourageant.

Une partie de la récolte de frelons asiatiques en 2017

En 2018, la situation étant intenable à Vallauris, toutes les ruches ont été transférées à Caussols. Les frelons n’y sont pas, pour le moment. Depuis, on en ramène à Vallauris en hiver, pour le plaisir d’y voir quelques abeilles. On les remonte à Caussols (altitude 1100m) quand les frelons y sont présents.

Pour éviter tout risque lors du transport, on déplace les ruches dans des boîtes de transhumance de construction artisanale, portées à deux comme un palanquin.

3/ Les pièges à frelons type bouteille à goulot inversé

3.1/ Réalisation : Les pièges sont exécutés au moyen de bouteilles en plastique de 1,5 litre, coupées environ aux ¾ de façon à pouvoir emboîter la partie goulot, retournée, dans l’autre partie.

Les deux parties sont maintenues ensemble par un fil de fer passé dans deux trous diamétralement opposés, lequel fil de fer sert aussi à attacher le piège dans un arbre.

Afin de limiter le niveau de liquide dans le piège (notamment en cas de pluie, susceptible de faire monter le niveau dans la bouteille), un ou plusieurs petits trous sont percés à mi-hauteur entre le fond et le niveau du goulot.

On peut aussi, pour protéger le piège de la pluie, lui adjoindre un chapeau, réalisé par exemple au moyen d’une petite assiette genre jetable en plastique, laquelle assiette peut être maintenue en position horizontale par une pince à linge.

3.2/ Attractif : Il reste à mettre un attractif dans le piège ; ci-après la recette de Chantal (civam apicole 06).

Attractif frelons :

  • 8l d’eau

  • 1,5l de vin

  • 0,5l de vinaigre

  • 30 morceaux de sucre ou 250g

On peut rajouter un peu de liquide vaisselle, lequel facilite la noyade du frelon (liquide mouillant)

Le vinaigre est répulsif pour les abeilles.

3.3/ Mise en place : L’emplacement du piège est très important. Comme aurait dit M. de la Palisse, il est préférable de le placer à un endroit où les frelons sont susceptibles de se trouver. Suspendre le piège, dès le printemps, dans un arbre fruitier (pommier, figuier, etc.), de préférence au moment de la production, ou à proximité du rucher.

4/ Présence du frelon asiatique au verger en 2020

Au printemps 2020, quand toutes les ruches ont été montées à la montagne, on n’a plus aperçu la moindre abeille dans le verger et le potager. Quelques. bourdons ont continué de polliniser. On n’en a plus vu à partir de septembre.

Les frelons, eux, sont encore nombreux. En septembre, j’en ai détruit un nid devenu visible dans un cerisier quasi-mort. Ça n’a pas diminué sensiblement leur présence.

J’ai essayé de les faire travailler. J’ai laissé ouvertes des ruches contenant des cadres bâtis, avec des traces de fausse teigne. Les frelons ont bien nettoyé, sans abîmer la cire. Il n’y a eu aucun développement de fausse teigne.

Dans les arbres (des agrumes), on les a parfois vus sur des feuilles attaquées par l’aleurode floconneuse. Ils y ont trouvé à manger. Mais quoi ?

Hypothèse n°1 : ils mangent l’aleurode, ce qui serait une bonne chose.

Hypothèse n°2 : ils mangent la petite guêpe Cales Noacki, qui parasite l’aleurode. Hypothèse malheureusement confortée par le fait que depuis plusieurs années, l’aleurode se développe. Longtemps limitée aux six citronniers Meyer, on la trouve maintenant un peu partout, sur d’autres variétés.

Hypothèse n°3 : ils mangent et la guêpe et l’aleurode.

Mise à jour 15/09/2019