– Créer un verger d’agrumes

CONSIDÉRATIONS SUR LA CRÉATION D’UN VERGER D’AGRUMES DANS LE SUD-EST DE LA FRANCE

1 Généralités

Les données de base de la réflexion ci-après sont :

1.1la création d’un verger procurant un emploi à plein temps à une personne ; c’est à dire la création d’un verger de petite taille, mené en agriculture biologique (ou en permaculture, ou en agriculture naturelle[1]…), permettant à une personne de vivre de son travail, sans faire appel à une main d’œuvre extérieure, fut-elle saisonnière. Il convient de définir dès le départ quelles seront les activités susceptibles de rapporter un revenu. On considérera ici que l’on s’en tient à la vente des agrumes, sans autre activité annexe. Il est possible également de choisir d’exercer simultanément une autre activité liée, par exemple de transformation, qui permettrait d’augmenter la rentabilité mais peut changer les données en matière de main d’œuvre (par exemple fabrication de confiture d’agrumes, vin d’orange, miel, etc.).

1.2 la commercialisation de la totalité de la production par vente directe aux mêmes clients, ce qui amène à respecter certains pourcentages entre les différentes variétés d’agrumes.

2 Localisation

Le climat doux de la bande côtière, le long de la Méditerranée, permet d’y envisager l’installation de  vergers d’agrumes, sur une largeur qui ne dépasse guère quelques kilomètres.

Noter cependant que les agrumes n’apprécient pas trop le vent, ce qui peut poser problème à certains endroits, en particulier à hauteur de la vallée du Rhône. Si l’on souhaite malgré tout créer un verger d’agrumes dans des zones sujettes à des vents importants, on peut prévoir, tout autour du verger, la mise en place de haies de protection.

De plus, sur le plan climatique, on se trouve en zone limite, en ce sens qu’un hiver plus froid que la moyenne risque de ravager un verger d’agrumes, la plupart des arbres ne résistant pas à une température inférieure à –5°C. C’est ce qui s’est produit en 1985 et 1986, années où les plantations d’agrumes ont été détruites en partie ou en totalité. Or un arbre ne commence à produire notablement qu’au bout d’une dizaine d’années, et n’arrive à son rythme de croisière qu’à l’âge d’environ 20 ans. Vivre de cette seule activité peut donc se révéler aléatoire, même si la tendance générale sur la terre, de nos jours, semble plutôt aller dans le sens du réchauffement climatique.

3 Dimensions de l’exploitation

Si le seul revenu provient de la vente des fruits, sans activité de transformation ou autre, la surface nécessaire semble être de l’ordre d’un hectare (qui correspond d’ailleurs au SMI), pour un nombre d’arbres d’environ 500. Une activité de transformation, permettant de valoriser la partie de la production difficilement commercialisable (fruits non présentables voire partiellement abîmés, trop petits ou même parfois trop gros, ou difficiles à vendre du fait d’une surproduction ou autre raison) permet de réduire la surface nécessaire, 5000 m2 semblant constituer un strict minimum.

4 Choix des variétés

4.1 Pour limiter la période de production

Il est paradoxalement intéressant de réduire la durée de la période de production :

–         Si la saison de production commence un peu plus tard, on évite au moins en partie le problème de la mouche (ceratitis capitata). On choisira dans ce cas d’éviter les variétés hâtives, plus particulièrement pour les clémentines. Mais par contre on commence à vendre au moment où la production est maximum également pour la concurrence.

–         Il est plus important de choisir des variétés qui permettent de terminer la production vers la fin février. Ce qui laisse le mois de mars, et en partie celui d’avril, pour la taille. En effet, mener de front la vente des fruits et la taille des arbres peut être difficile pour une seule personne. Et la taille doit être terminée avant la floraison qui intervient entre la mi-avril et la mi-juin, le maximum étant en mai. Dans ce sens, l’orange Valencia Late est plutôt à éviter, dans la mesure où elle est tardive et arrive à maturité en avril voire parfois mai.

Noter cependant que les clients, eux, préfèreront généralement que la saison des agrumes commence plus tôt, et se termine plus tard !

4.2 Pour obtenir une production quantitativement et qualitativement intéressante

Si le terrain choisi est calcaire, se référer à l’article sur l’adaptation entre variétés et porte-greffes. Si le terrain est acide (cas le plus favorable), ces données ne sont probablement pas valables.

4.3 En fonction de la demande de la clientèle

4.3.1 Un grand choix de variétés permet de répondre mieux à la demande des clients, spécialement en vente directe.

Mais il y a deux autres raisons tout aussi importantes, sinon plus, de préférer de disposer d’un choix de variétés aussi vaste que possible :

–         D’une part, la biodiversité ainsi obtenue permet l’installation d’un écosystème plus stable, abritant un maximum d’insectes variés. Ce qui permet de limiter les risques lors de la survenance d’une nuisance inhabituelle (prolifération d’un insecte, ou d’une maladie) qui pourra s’attaquer à certains arbres, alors que les autres résisteront.

–         D’autre part, la période de production est ainsi étalée dans le temps, la période idéale à viser étant pour moi de début décembre à fin février voire mi-mars ; la récolte et la vente peuvent dans ce cas se faire petit à petit sans apport de main d’œuvre saisonnière, comme défini précédemment.

4.3 2 Les quantités respectives des variétés retenues doivent être adaptées à la demande des clients, de façon que toutes variétés se vendent progressivement et parallèlement, au fur et à mesure de leur maturité.

Les clémentiniers et orangers constitueront la partie la plus importante du verger. Pour ne citer que les variétés actuellement présentes au verger, on pourra prendre par exemple :

–         180 clémentiniers, de variétés diverses, la clémentine commune semblant la plus adaptée au verger de Vallauris ; à éviter : la Corsica, excellente au goût mais trop hâtive et sujette à la mouche, et la Caffin, à cause d’une sorte de peluche, entre la peau et le fruit, qui en limite la possibilité de vente.

–         180 orangers, de variétés diverses ; à éviter, donc, pour ne pas prolonger la saison de vente : la Valencia Late, qui mûrit de mars à mai. En mars et avril, il faut tailler les arbres, activité très longue ; la commercialisation doit donc être terminée avant, ou presque terminée. Par ordre de préférence : les variétés les plus intéressantes sont les sanguines (Moro), puis les navels et la Tarocco (demi-sanguine), puis les autres…

–         35 tangelos, répartis entre Nova-Clemenvilla et Minneola. La production de tangelos s’avère la plus régulière, en augmentation constante d’une année sur l’autre, alors que toutes les autres variétés ont des productions en dent de scie, une année moins bonne succédant à une bonne année, a priori du fait d’un phénomène d’alternance normal en agriculture de type biologique. La Nova ou Clemenvilla est plus hâtive, très demandée parce que très douce ; la Minneola est relativement plus tardive, et plus productive (les arbres sont nettement plus grands).

–         30 citronniers ; la demande en citrons est beaucoup plus faible. En vente directe, une proportion plus importante de citronniers obligerait à chercher des clients spécifiques pour les seuls citrons. Les variétés Eureka, Lisbonne, Villafranca sont équivalentes. Prendre également des Meyer, hâtives et très parfumées.

–         20 mandariniers communs ; en vente directe, du fait de leur parfum exceptionnel, les mandarines communes sont maintenant de nouveau assez demandées, malgré l’inconvénient que présente la grande quantité de pépins qu’elles contiennent. Je ne proposerai pas les autres variétés de mandarines présentes au verger, qui, quoiqu’intéressantes sur le plan gustatif, ont semblé mal adaptées aux conditions de culture locales : Malvasio, Kara, Satsuma Clausellina.

–         20 pomelos : même remarque que pour les citrons ; la demande en pomelos est faible, et une proportion importante de ces arbres obligerait à chercher des clients spécifiques pour les seuls pomelos. Privilégier les roses (Star Ruby), plus doux, plus hâtifs que les jaunes (Marsh), qui eux sont en moyenne plus gros, un peu amers. Par exemple 15 Star Ruby et 5 Marsh.

–         12 tangors Murcott, très appréciés pour les jus, très doux, mais de rendement irrégulier.

–         8 kumquats de variété Nagami (la plus commune, semble-t-il, dans le commerce), les variétés Marumi (très bonne mais inadaptée aux conditions locales) et Fukushu (bonne mais le fruit pourrit vite sur l’arbre) n’ayant pas fait leurs preuves ici.

–         4 bigaradiers, la vente des oranges amères est assez limitée, les seules utilisations en étant la confiture et le vin d’oranges. On peut choisir d’en mettre davantage si l’on souhaite commercialiser la fleur, utilisée en parfumerie.

–         1 cédrat Doigt de Bouddha, pour la curiosité.

–         Je ne propose pas les limettiers (variété Tahiti), malgré leur intérêt gustatif indiscutable, à cause de leur sensibilité à une maladie pas encore identifiée avec certitude (mal secco ou phytophtora ?) qui semble devoir les faire disparaître jusqu’au dernier, avec de plus un risque d’extension de cette maladie à certains citronniers.

5 Densité des arbres

La plantation d’origine a été effectuée avec une densité d’environ 800 arbres/ha ; l’écartement entre lignes est de 3m, la distance entre deux arbres dans la ligne est également de 3 mètres. Il apparaît que cette densité est trop importante, plus particulièrement au niveau des orangers qui sont imbriqués les uns dans les autres.

La distance souhaitable entre les arbres varie en fonction de la variété. Pour simplifier, on considérera que l’interligne et l’écartement des arbres sur la ligne ont la même valeur ; distances qui me semblent raisonnables :

–         orangers : 5 m

–         clémentiniers : 4 m

–         tangelos Minneola : 4,5 à 5 m

–         tangelos Nova : 3 à 3,5 m

–         citronniers Meyer : 3,5 à 4 m

–         citronniers Eureka, Villafranca, Lisbonne : 4 à 4,5 m

–         mandariniers communs : 4 m

–         pomelos : 5 m

–         tangors : 4 m

–         kumquats : 4 m

–         bigaradiers : 5 m

6 Disposition des arbres

Les clémentines sont des fruits normalement sans pépins, c’est d’ailleurs ce qui fait leur succès. Or la pollinisation des fleurs de clémentiniers par du pollen de fruits à pépins risque d’amener à produire des clémentines contenant plus ou moins de pépins, ce qui peut être un handicap pour la vente. Afin de pallier ce problème, on peut organiser le verger de façon à limiter les risques. Pour ce faire, éloigner au maximum les clémentiniers des mandariniers et des tangors. Le schéma général pourrait être :

–         d’abord les rangées de clémentiniers

–         puis les rangées d’orangers, les navel (sans pépins) étant les plus proches des clémentiniers

–         les pomelos

–         les citronniers

–         les kumquats et bigaradiers, le cédrat

–         et enfin, séparées si possible par une haie des arbres cités ci-dessus (accessoirement également réserve de BRF), les rangées de tangors puis de mandariniers.

7 Fertilisation

Il semble que la fertilisation puisse être assurée au moyen de BRF, qui pourrait être produit totalement ou partiellement sur place. L’installation de haies tout autour du verger, outre son intérêt en tant que coupe-vent, permet de constituer une réserve de BRF.

Le BRF sera également obtenu en broyant le bois de taille, à moins qu’on ne préfère le commercialiser pour la parfumerie (pour l’essence de petit-grain), en fonction de l’intérêt économique de l’une ou l’autre solution.

8 Rucher

L’installation d’un rucher présente un grand intérêt pour l’équilibre général du verger, et peut éventuellement constituer un revenu d’appoint, par la vente du miel.

Une bonne partie des agrumes ne nécessite pas de pollinisation pour produire des fruits, c’est le cas des clémentines, par exemple. Cependant, une meilleure pollinisation peut augmenter la production de citrons.

Le rucher comportera au minimum cinq ruches, afin d’avoir une marge de sécurité permettant de s’assurer qu’on en aura toujours, dans les circonstances les plus défavorables, au moins deux ou trois effectivement occupées.

Afin de respecter la réglementation en vigueur (à consulter avant toute installation de rucher !), le rucher devra de préférence être placé au centre du verger. Si la surface disponible le permet, il sera entouré de haies, le séparant du verger, pour des raisons de sécurité. Sinon, une palissade de 1,80 m de haut pourra faire l’affaire. De préférence, une petite cabane placée contre la haie ou la palissade permettra de stocker le matériel (ruches et accessoires). Le luxe suprême consistant à disposer sur place d’un local dont les conditions d’hygiène permettent d’y installer la miellerie.

mise à jour au 13 mai 2011

Merci d’envoyer tout commentaire à l’adresse arcadia@cuerq.net.


[1] cf les ouvrages de Masanobu Fukuoka